ÉPISODE 6 – « On m’a menacé de mort, simplement parce que je voulais quitter la filière »

26 novembre 2021 / Eléonore Plé
VIDEOS Frontière franco-britannique

Calais – département du Nord

Note de la rédaction :

Le témoin parle à visage couvert pour se protéger d’éventuelles représailles dont il pourrait faire l’objet.
Son témoignage restitue son expérience personnelle au sein d’une filière de passages clandestins en voiture entre Calais et le Royaume-Uni.

Cet épisode n’a pas pour objet de documenter de manière exhaustive les passages effectués à la frontière franco-britannique. Son récit apporte un éclairage sur le fonctionnement souvent opaque et difficile des passages sur une période précise. De multiples filières existent et à différents niveaux. Il y a les passages en bateaux, ceux en camions et ceux qui sont organisés également depuis le pays d’origine des personnes exilées. Ce marché est considéré comme le troisième marché le plus lucratif au monde après celui des armes et de la drogue, il est estimé à 35 milliards d’euros.

des passages de plus en plus dangereux et une frontière qui tue

Une tragédie est survenue le 24 novembre dernier. 27 personnes ont perdu la vie. 17 hommes, sept femmes dont une femme enceinte, et trois jeunes. 27 âmes en quête d’une vie meilleure. 27 destins avalés par la mer. Cette bande de mer de 32 kilomètres entre la France et le Royaume-Uni tue. Au moins 336 décès sont recensés par les acteurs associatifs depuis 1999 à cette frontière. Depuis deux ans, les traversées en bateaux sont privilégiées. La voie maritime à bord d’embarcations de fortune ont doublé ces trois derniers mois. Au 20 novembre, 31 500 personnes exilées ont quitté les côtes depuis le début de l’année et 7 800 parmi elles ont été sauvées.

« La responsabilité de ce drame est avant tout celle des passeurs, qui mettent en danger la vie d’hommes, de femmes et d’enfants sans aucun scrupule. Nos policiers et nos gendarmes sont mobilisés au quotidien pour lutter contre ces criminels. » Gérald Darmanin suite à ce naufrage du 24 novembre.

Les propos du ministre de l’intérieur (confirmés par d’autres membres du gouvernement) sont une double peine pour les familles des victimes et pour les personnes exilées qui sont à la rue. Et pourtant, la responsabilité de l’État est engagée. Ces personnes subissent le harcèlement quotidien des forces de l’ordre, les expulsions et le vol de leurs biens personnels. Cette politique de non accueil est abordée par l’angle sécuritaire au détriment des droits fondamentaux des personnes en transit. Tout cela est organisé par des accords toujours plus nombreux entre la France et le Royaume-Uni. Les passeurs existent car les voies légales sont devenues impossibles. François Gemenne, spécialiste du changement climatique et des flux migratoires, décortique dans un entretien (à découvrir prochainement sur Specto) le business des frontières. Il explique que plus les frontières ferment, plus les passeurs peuvent exister. Les risques, toujours plus grands, que prennent les personnes exilées pour continuer leur chemin est à la hauteur du harcèlement subi.


Pour aller plus loin : découvrez l’épisode 3 sur l’observation des violences d’État à la frontière franco-britannique pour tenter de comprendre comment les autorités précarisent-elles les personnes exilées sur le nord littoral.

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